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De l’or et de l’indium dans les pièces d’argent
Fin décembre 2021, cinq pièces de monnaie d’argent anciennes confiées par le laboratoire Arc’antique ont été irradiées par le faisceau d’Arronax. Les résultats de ces premières analyses confirment l’intérêt de la collaboration entre les deux laboratoires pour affiner les connaissances sur l’histoire commerciale nantaise au 16è siècle. Explications.
Le laboratoire Arc’antique et le GIP ARRONAX ont initié en 2021 une collaboration autour de l’étude de pièces de monnaies en argent du datant du 16ème siècle, notamment conservées au Musée Dobrée de Nantes. Pour les historiens, il s’agit de préciser la provenance du métal utilisé pour fabriquer ces pièces et d’en tirer des enseignements sur les relations de Nantes avec ses partenaires commerciaux à cette époque. Pour les physiciens du GIP ARRONAX et du laboratoire Subatech, le défi consiste à mettre en oeuvre la méthode PIXE à haute énergie pour détecter dans les pièces anciennes des traces d’indium et/ou d’autres éléments comme l’or. « L’indium est caractéristique de l’argent en provenance d’Amérique, plus précisément des gisements de Potosi, et qui arrive à Nantes après avoir transité par Séville, explique Gildas Salaün, numismate à Grand Patrimoine de Loire-Atlantique. L’or est intéressant aussi car c’est un marqueur de l’argent européen, qui emprunte d’autres routes. »
Les cinq premières pièces étudiées ont été minutieusement sélectionnées. La date de leur fabrication dans l’atelier monétaire de Nantes est connue : 1561, 1575, 1598, 1599 et 1600. L’analyse de la première a révélé l’absence d’indium, confirmant ainsi qu’avant 1565, malgré une arrivée massive d’argent à Nantes, celui-ci ne venait pas de Potosi. « Nous avons pu confirmer que l’argent américain commence à arriver dans l’atelier nantais en 1575 », poursuit l’historien. Les trois autres pièces étudiées datent de la fin des guerres de religion en Bretagne, au cours desquelles Nantes est commercialement isolée e contrainte de réemployer l’argent pour sa Monnaie. Les échanges commerciaux et monétaires reprennent après la signature de l’Édit de Nantes en 1598, ce que confirme l’étude de l’échantillon.
Ces analyses ont aussi et surtout révélé la nécessité de rechercher simultanément la présence d’indium et d’or dans une pièce pour en tirer un maximum d’enseignements historiques. « Nous savons maintenant, et c’est un grand pas, que détecter l’indium uniquement n’est pas suffisant, même avec un seuil de détection très bas (<10 ppm). En regardant les quantités relatives d’indium et d’or dans la composition des pièces, on accède à des données très intéressantes : la baisse de la proportion d’or d’une année sur l’autre signe un début d’alliage entre argent européen et argent américain; la hausse de la proportion d’indium montre un renforcement de l’argent provenant de Potosi », détaille Gildas Salaün.
Un échantillon de 20 autres pièces couvrant la période allant de 1597 à 1600 seront analysées sous le faisceau d’Arronax courant février 2022 afin d’affiner plus encore l’histoire agitée de ces trois années*. « Nous pourrons alors élargir à nouveau la focale et travailler sur un temps plus long, ce qui est notre objectif », conclut l’historien.
Contact : Charbel Koumeir
Lire à ce sujet l’article Les pièces de l’Edit de Nantes, par Gildas Salaün, publié dans Monnaie Magazine en avril 2022.